Ce que la transformation de la production de protéines signifie pour les éleveurs de bétail

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Ce que la transformation de la production de protéines signifie pour les éleveurs de bétail

Catégorie: Management | Sujet: Public Trust and Consumer Advocacy

Date de publication: novembre 21, 2022

Le contexte

Ces dernières années ont été marquées par une forte activité dans le domaine des protéines alternatives, que ce soit des œufs brouillés faits à partir de haricots mungo[1] ou de la viande cultivée en laboratoire[2]. Les protéines cultivées ou produites par bioraffinage désignent des protéines que l’on trouve naturellement dans la viande, les œufs ou les produits laitiers, mais cultivées dans des biofonderies ou des bioréacteurs à l’aide de levures, de bactéries ou de cellules souches. Les produits ainsi fabriqués sont presque identiques à ceux que l’on obtient par des moyens conventionnels, c’est‑à‑dire par l’élevage, mais peuvent être modifiés pour, par exemple, avoir un profil lipidique plus sain. Ces technologies existent depuis un certain temps déjà dans le secteur biopharmaceutique pour produire des organes, des tissus pour des interventions médicales ou des protéines d’intérêt pharmaceutique, mais la technologie a été perfectionnée pour produire des protéines animales qui servent d’ingrédients alimentaires à une échelle commerciale.

Le phénomène des protéines cultivées a pris de l’ampleur en raison de l’accélération de la demande des consommateurs pour que l’industrie alimentaire devienne non seulement carboneutre, mais ait une empreinte carbone négative, et qu’elle devienne aussi plus humaine, plus abordable, plus nutritive, plus abondante, plus sûre et plus locale. Pour répondre aux demandes de plus en plus nombreuses et complexes d’une population croissante, la production alimentaire est à l’aube d’une nouvelle révolution. Les protéines cultivées s’affirment comme une partie de la solution à ce que beaucoup perçoivent comme des menaces pour la sécurité alimentaire, le bien‑être des animaux et l’environnement[3].

La promesse d’une plus grande efficacité en termes de coûts et d’impact sera accueillie favorablement par beaucoup et les gouvernements du monde entier ont déjà commencé à étudier et à investir[4] dans la viande cultivée : le Japon[5] et l’Union européenne[6] ont lancé des évaluations de la sécurité alimentaire, les États‑Unis se penchent sur la question de l’étiquetage[7], tandis que la Chine[8] et Singapour[9] l’intègrent dans leur politique et des infrastructures sont mises en place[10].

 

Quels sont les risques?

Les risques liés aux protéines cultivées sont toujours en train de se dévoiler, car le développement de cette technologie se poursuit. Cependant, en termes de risques pour les éleveurs, les protéines cultivées représentent un défi direct pour l’agriculture animale, quel que soit le niveau de développement technologique de l’agriculture.

À l’heure actuelle, les protéines cultivées demeurent beaucoup plus coûteuses à produire que les protéines des animaux d’élevage[11]. Cependant, à mesure que la viande, les œufs et les produits laitiers cultivés se développent, ils pourraient devenir plus abordables que leurs équivalents cultivés que l’on trouve à l’épicerie ou même les remplacer. Leurs hypothétiques faibles coûts de production, leur faible impact environnemental et leurs profils nutritionnels équivalents (voire améliorés) pourraient faire grimper les prix des protéines conventionnelles et devenir une industrie à part entière de plusieurs milliards de dollars[12]. Le rythme auquel cela devrait se produire, cependant, sera relativement lent; même si les protéines cultivées seront probablement un phénomène mondial, elles ne devraient pas atteindre la parité avec l’agriculture animale avant 2040[13]. Les répercussions de cette croissance pourraient toutefois être importantes, car le secteur de l’élevage produit de nombreux sous‑produits autres que les aliments, tels que les cornes, les engrais, le cuir, etc.[14]

Les protéines végétales exercent déjà une pression sur les éleveurs, Beyond Meat et Impossible Foods produisant des « viandes végétales » pour séduire les consommateurs végétaliens et végétariens[15]. Ces produits ont déjà fait leur apparition dans les épiceries et les restaurants, mais alors que l’on s’attend à ce que les protéines végétales gagnent des parts de marché, la viande cultivée risque de faire stagner la croissance des protéines végétales[16], ce qui aura des répercussions sur les éleveurs qui ont bénéficié du développement de ce secteur et qui ont été aidés par des guides alimentaires actualisés et plus axés sur les végétaux, comme ceux du Canada[17], de Harvard[18] et celui proposé par la Commission EAT‑Lancet[19].

 

Qu’est‑ce que cela signifie pour les agriculteurs?

Les deux dernières années et demie ont été marquées par de nombreux bouleversements et si nous avons appris quelque chose, c’est bien qu’il faut s’attendre à tout. Les agriculteurs ne sont pas étrangers aux perturbations et ont dû faire face à divers défis depuis que les glaciers ont fondu et qu’ils ont labouré le sol pour la première fois. Cependant, les progrès technologiques ont déjà réduit le nombre d’agriculteurs dans le monde à des niveaux historiquement bas, et la viande cultivée présente le même défi. À mesure que l’urgence climatique s’intensifie, il est probable que les gouvernements et l’industrie privilégient ces solutions technologiques aux moyens de subsistance traditionnels.

 

Que peuvent faire les agriculteurs pour gérer les risques?

Pour les agriculteurs, cela signifie une pression accrue pour comprendre les forces en présence qui pourraient remodeler de façon spectaculaire le système alimentaire mondial. Se tenir au courant de ces évolutions favorisera la prise de décisions stratégiques, en particulier pour les éleveurs de bétail.

La prise de décision stratégique comprend, dans un premier temps, l’évaluation des risques, tant actuels que potentiels. Cela peut influencer la poursuite des investissements prévus dans les exploitations d’élevage. Une évaluation des risques peut servir de base aux décisions futures et conduire les agriculteurs vers des voies qu’ils n’avaient pas encore envisagées, mais bénéfiques. Il existe plusieurs tendances liées aux protéines cultivées que les agriculteurs pourraient envisager d’étudier afin d’éclairer leurs stratégies, comme le marché émergent du carbone, les pratiques et systèmes de gestion agricole de substitution, l’économie verte et les énergies renouvelables.

Le réseautage avec les autres agriculteurs, les syndicats et les organisations agricoles, les établissements de recherche, le gouvernement et l’industrie peut faciliter ces démarches et aider les agriculteurs à rester non seulement informés, mais aussi préparés.

 

[1] https://www.ju.st/ (en anglais seulement)

[2] https://www.foodsafetynews.com/tag/lab-grown-meat/ (en anglais seulement)

[3] https://www.bcg.com/en-ca/publications/2021/the-benefits-of-plant-based-meats (en anglais seulement)

[4] https://vegconomist.com/market-and-trends/alt-proteins-gained-5bn-globally-in-2021-with-half-of-total-invested-in-europe/ (en anglais seulement)

[5] https://plantbasednews.org/news/alternative-protein/japans-health-ministry-cultured-meat-regulation/ (en anglais seulement)

[6] https://www.euractiv.com/section/agriculture-food/news/cultivated-meat-companies-gear-up-for-first-eu-approval-applications/ (en anglais seulement)

[7] https://www.usda.gov/media/press-releases/2021/09/02/usda-seeks-comments-labeling-meat-and-poultry-products-derived#:~:text=On%20March%207%2C%202019%2C%20USDA,safe%2C%20unadulterated%20and%20truthfully%20labeled (en anglais seulement)

[8] https://www.nycfoodpolicy.org/food-policy-snapshot-china-five-year-agricultural-plan-cultivated-meat/ (en anglais seulement)

[9] https://www.poultryworld.net/the-industrymarkets/market-trends-analysis-the-industrymarkets-2/singapore-ramps-up-cultivated-chicken-meat-production/#:~:text=A%20world%20first,for%2090%25%20of%20its%20food (en anglais seulement)

[10] https://www.foodingredientsfirst.com/news/good-meat-builds-worlds-largest-bioreactors-to-produce-cultivated-meat.html (en anglais seulement)

[11] https://www.mckinsey.com/industries/agriculture/our-insights/cultivated-meat-out-of-the-lab-into-the-frying-pan (en anglais seulement)

[12] https://www.mckinsey.com/industries/agriculture/our-insights/cultivated-meat-out-of-the-lab-into-the-frying-pan (en anglais seulement)

[13] https://www.kearney.com/consumer-retail/article/-/insights/when-consumers-go-vegan-how-much-meat-will-be-left-on-the-table-for-agribusiness (en anglais seulement)

[14] https://www.kearney.com/consumer-retail/article/-/insights/when-consumers-go-vegan-how-much-meat-will-be-left-on-the-table-for-agribusiness (en anglais seulement)

[15] https://www.beyondmeat.com/en-CA/(en anglais seulement); https://impossiblefoods.com/ca (en anglais seulement)

[16] https://www.kearney.com/consumer-retail/article/-/insights/when-consumers-go-vegan-how-much-meat-will-be-left-on-the-table-for-agribusiness (en anglais seulement)

[17] https://guide-alimentaire.canada.ca/fr/; https://www.hsph.harvard.edu/nutritionsource/healthy-eating-plate/ (en anglais seulement)

[18] https://www.hsph.harvard.edu/nutritionsource/healthy-eating-plate/ (en anglais seulement)

[19] https://eatforum.org/eat-lancet-commission/the-planetary-health-diet-and-you/ (en anglais seulement)