Les conditions de la chaîne d’approvisionnement mondiale, au centre de laquelle on trouve la Chine, changent : Qu’est-ce que cela signifie pour les agriculteurs canadiens?

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Les conditions de la chaîne d’approvisionnement mondiale, au centre de laquelle on trouve la Chine, changent : Qu’est-ce que cela signifie pour les agriculteurs canadiens?

Catégorie: Markets | Sujet: Market Disruptions

Date de publication: mars 10, 2023

Contexte

Comptant près de 1,5 milliard d’habitants[1], la Chine représente la deuxième économie en importance dans le monde[2], évaluée à 17,74 billions de dollars américains en 2021. Les exportations de produits agroalimentaires du Canada vers la Chine ont représenté près de 9,4 milliards de dollars canadiens en 2020, soit une augmentation de 43,3 % par rapport à 2019[3]. La croissance continue de la Chine se révèle bénéfique pour les exportateurs et elle a aussi permis de réduire considérablement les taux de pauvreté dans le pays; cependant, le rythme de cette croissance est trop rapide pour certains secteurs[4]. De plus, si le taux de croissance historique de la Chine est assez élevé, celui-ci pourrait diminuer, ce qui aurait des répercussions sur le commerce pour les exportateurs comme le Canada[5]. Ces répercussions pourraient être aggravées par une approche de développement de plus en plus autocentrée[6], ainsi que par plusieurs facteurs structurels clés, notamment l’accès aux aliments, à l’énergie et aux soins de santé, le vieillissement de la population et les problèmes de sécurité alimentaire. En raison de la nature de la chaîne d’approvisionnement mondiale d’aujourd’hui, toute instabilité en Chine représente des risques pour les partenaires commerciaux de ce pays.

 

Quels sont les risques?

La croissance explosive de la Chine suscite d’importantes inquiétudes quant à la qualité de l’eau dans ce pays et à la quantité de celle-ci. S’il y avait une crise de l’eau, cela pourrait nuire à la production agricole intérieure de la Chine, entraînant alors une dépendance accrue à l’égard des importations de céréales, une hausse des prix des aliments pour les habitants des pays exportateurs de céréales et des pénuries de céréales pour les pays en développement[7]. Parmi les autres risques figure notamment l’assèchement de voies navigables importantes, ce qui occasionnerait une perte du côté de l’électricité produite par des systèmes hydroélectriques, en plus de répercussions externes sur la fabrication et le transport, et de répercussions internes graves pour les habitants de la Chine même[8].

Le vieillissement de la population de la Chine et le pic de croissance prévu dans ce pays constituent également un risque majeur pour les pays exportateurs. La baisse du taux de natalité et la diminution prévue de la population (environ 800 millions d’habitants d’ici 2090) pourraient avoir une incidence sur le pouvoir de dépenser de la Chine en tant que nation, compte tenu de l’augmentation des dépenses en santé nécessaires pour prendre soin de la population vieillissante[9] et de la perte de potentiel quant à la croissance future due aux pénuries de main-d’œuvre menaçant la position du pays en tant qu’économie fondée sur la fabrication[10]. Pour les exportateurs, en particulier les exportateurs de céréales, ce déclin de la population signifiera également une baisse de la demande en produits agricoles et de la consommation en général[11].

La sécurité alimentaire est une autre préoccupation majeure pour la Chine. À mesure que la population du pays augmentait et que la qualité de vie s’améliorait pour celle-ci, l’urbanisation prenait elle aussi de l’ampleur, entraînant ainsi une diminution correspondante des terres agricoles ainsi que des changements dans les habitudes alimentaires[12]. Dans les plans quinquennaux récents de la Chine, la sécurité alimentaire s’aligne sur la sécurité nationale, ce qui montre que la Chine cherche à réduire sa dépendance à l’égard des produits agricoles des pays exportateurs[13]. La stratégie de la Chine pour améliorer la sécurité alimentaire comprend non seulement la diversification de ses importations agricoles, mais aussi l’achat de terres agricoles dans d’autres territoires, comme l’Amérique du Nord[14]. Si la sécurité alimentaire a été considérée comme une composante nécessaire de la stratégie de sécurité nationale de la Chine, on l’a aussi vue comme un moyen de légitimation du gouvernement chinois et d’élimination de l’instabilité[15].

 

Qu’est-ce que cela signifie pour les agriculteurs canadiens?

Puisque la Chine est le pays le plus peuplé au monde et qu’elle représente la deuxième économie mondiale en importance, sa stabilité environnementale, sociale, économique et politique est cruciale pour les chaînes d’approvisionnement mondiales interconnectées d’aujourd’hui. Cette stabilité est tout aussi cruciale pour le Canada, un pays de puissance moyenne dont l’économie est axée sur l’exportation.

À court terme, cela ne devrait pas susciter d’inquiétudes majeures chez les agriculteurs canadiens, qui demeureront vraisemblablement concurrentiels, notamment quant au canola, au blé, à l’orge, aux pois, aux fruits de mer et au porc[16]. Bien que la plupart des experts prévoient un déclin de la population chinoise, les répercussions sur les pays exportateurs pourraient ne pas se faire sentir avant un certain temps; de même, vu l’importance de la sécurité alimentaire pour la stabilité politique de la Chine et la crise de l’eau qui pourrait y survenir, les agriculteurs canadiens pourraient jouer un rôle plus important que jamais, surtout si la tendance à la hausse des exportations agricoles vers la Chine se poursuit.

Même s’il ne faut pas sous-estimer ces risques, ils pourraient se manifester d’une manière qui n’a pas d’incidence néfaste sur les exportations agricoles canadiennes, mais qui modifie plutôt le portefeuille des exportations des produits de nos agriculteurs vers la Chine. Au fil de l’évolution du paysage démographique et de l’amélioration de la qualité de vie en Chine, la demande en aliments de base pourrait faire place à une demande en viande ou en d’autres protéines[17]. Si c’est le cas, le risque susmentionné posé par la crise de l’eau susceptible de survenir en Chine pourrait être compensé à long terme par la diminution potentielle de la demande en céréales du pays, ce qui pourrait permettre aux producteurs de céréales canadiens d’exporter vers les pays pouvant avoir connu des pénuries auparavant.

 

Que peuvent faire les agriculteurs pour gérer les risques?

La gestion des risques associés à l’évolution du paysage démographique, de l’économie et de la stabilité politique de la Chine exigera des agriculteurs canadiens qu’ils soient informés et dynamiques.

Pour s’adapter aux changements survenant sur le marché, il est essentiel que les agriculteurs demeurent au fait de l’actualité, tant en Chine que dans d’autres pays, comme l’Ukraine. S’ils s’emploient à mieux connaître les marchés auxquels leurs récoltes sont destinées, les agriculteurs pourront planifier en vue des prochaines années et se tourner vers une autre culture, au besoin.

Il peut être difficile de se retrouver dans toute cette masse de renseignements, mais plusieurs grandes organisations comme l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), la Banque mondiale et Statistique Canada (pour n’en citer que quelques‑unes) offrent des données historiques et des prévisions liées au marché qui peuvent être utiles aux agriculteurs désireux de s’informer. Parmi les autres moyens moins coûteux en temps et en efforts de suivre les marchés, on peut aussi travailler avec des conseillers en commercialisation de produits qui suivent déjà les tendances internationales.

Si les agriculteurs canadiens procèdent à la planification à court, à moyen et à long termes et qu’ils transposent les résultats de ces démarches en plans de relève, il peut s’agir là, pour eux, d’une manière proactive, plutôt que réactive, de se préparer à l’avenir.

 

[1] https://donnees.banquemondiale.org/indicateur/SP.POP.TOTL?locations=CN

[2] https://www.statista.com/statistics/263770/gross-domestic-product-gdp-of-china/ (en anglais seulement)

[3] https://agriculture.canada.ca/fr/commerce-international/renseignements-marches/rapports/apercu-du-marche-chine-0

[4] https://www.worldbank.org/en/country/china/overview (en anglais seulement)

[5] https://www.oecd-ilibrary.org/docserver/2138cc7f-en.pdf?expires=1677256142&id=id&accname=guest&checksum=9D3F2A7066D58BA30370F38BA2D9F5D2 (en anglais seulement)

[6] https://www.theatlantic.com/international/archive/2021/01/xi-jinping-china-economy-jack-ma/617552/https://www.imf.org/en/News/Articles/2021/11/18/pr21338-china-imf-staff-completes-2021-article-iv-mission-to-the-peoples-republic-of-china (en anglais seulement)

[7] https://www.foreignaffairs.com/china/chinas-growing-water-crisis (en anglais seulement)

[8] https://www.theguardian.com/world/2022/aug/22/china-drought-causes-yangtze-river-to-dry-up-sparking-shortage-of-hydropower (en anglais seulement)

[9] https://www.nature.com/articles/d41586-022-02304-8 (en anglais seulement)

[10] https://brownpoliticalreview.org/2022/11/chinas-population-crisis-may-be-its-achilles-heel/ (en anglais seulement)

[11] https://www.atlanticcouncil.org/blogs/new-atlanticist/can-chinas-communist-party-defuse-its-demographic-time-bomb/ (en anglais seulement)

[12] https://thediplomat.com/2021/11/chinas-evolving-food-security-strategy/ (en anglais seulement)

[13] https://thediplomat.com/2021/11/chinas-evolving-food-security-strategy/ (en anglais seulement)

[14] https://www.politico.com/news/2021/07/19/china-buying-us-farms-foreign-purchase-499893 (en anglais seulement)

[15] https://ui.adsabs.harvard.edu/abs/2021AGUFMGC13D..04O/abstract; https://doi.org/10.1017/S1468109921000372 (en anglais seulement)

[16] https://www.ualberta.ca/china-institute/research/commentary/2022/shaoyan_food_security.html (en anglais seulement)

[17] https://www.card.iastate.edu/ag_policy_review/article/?a=122 (en anglais seulement)